Veille juridique du 7 avril 2025

Veille Juridique Mars 2025
13 mars 2025
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  1. CE, 7 mars 2025, Les consorts D, n°495227, Leb.: le notaire signataire de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est présumé bénéficier d’un mandat confié par le vendeur pour l’ensemble de la procédure se rapportant à l’exercice du droit de préemption

 

Dans cette affaire, un maire avait exercé, par arrêté du 28 mars 2018, le droit de préemption urbain sur un immeuble situé sur le territoire communal, propriété d’une indivision.

 

Cet arrêté a été notifié le jour même au notaire signataire de la DIA, laquelle mentionnait que la décision du titulaire du droit de préemption devait être notifiée à l’adresse de ce mandataire.

 

Le 29 juin 2020, soit plus de deux ans après cette notification, une partie des propriétaires indivisaires qui avaient mis en vente le bien ont intenté un recours en annulation à l’encontre de cette décision.

 

Confirmant le jugement du Tribunal administratif de Lille, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé que la demande de première instance était tardive.

 

La notification de l’exercice du droit de préemption par la commune au seul notaire signataire de la DIA – et non pas aux vendeurs – fait-elle courir le délai de recours contentieux à l’encontre de cette décision ?

 

Le Conseil d’Etat répond à l’affirmative, en jugeant que « la signature de la déclaration d’intention d’aliéner par le notaire établit, en principe, en l’absence d’expression d’une volonté contraire du vendeur, le mandat confié par le vendeur au notaire pour l’ensemble de la procédure se rapportant à l’exercice du droit de préemption ».

 

 

  1. CE, 7 mars 2025, n°490933, B…, Tab. Leb.: l’indivisaire dispose d’un intérêt à agir pour demander seul l’annulation d’une décision de préemption sans l’accord de ses co-indivisaires

 

L’indivisaire d’un bien peut-il contester seul la décision de préemption de ce bien sans l’accord des autres indivisaires vendeurs ?

 

Oui, selon le Conseil d’Etat, dès lors que « toute décision de préemption d’un bien apporte une limitation au droit de propriété du vendeur, en fût-il propriétaire en indivision, et affecte à ce titre les intérêts de celui-ci ».

 

 

 

 

 

 

  1. CE, 12 mars 2025, n°488167: le changement de statut d’une activité entrainant sa sortie du périmètre d’un service public peut valoir désaffectation au sens de l’article L. 2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques

 

En vertu de l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), le déclassement d’un bien du domaine public ne peut – en principe – être prononcé qu’après sa désaffectation, c’est-à-dire lorsqu’il n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public.

 

Par une décision inédite, le Conseil d’Etat a jugé, pour la première fois, qu’un changement de statut d’une activité – qui n’est plus qualifiée de service public à la suite d’une simple modification d’un règlement intérieur par la collectivité compétente – peut être regardé comme une désaffectation matérielle au sens de ces dispositions.

 

 

  1. CE, 10 mars 2025, n°472387: Les métadonnées numériques associées à de simples photographies ne constituent pas une preuve suffisante de la date d’affichage d’un permis de construire sur le terrain en raison de la possibilité de les modifier

Dans cette affaire, afin de justifier l’affichage du permis de construire sur le terrain et ainsi soutenir que le recours d’un tiers contre ce permis était irrecevable, le pétitionnaire avait produit, en sus d’attestations non circonstanciées, des photographies du panneau d’affichage qu’il avait lui-même prises en soutenant que les métadonnées numériques associées à ces photographies attestaient de leur date de prise de vue.

 

La Haute juridiction juge cependant que, « compte tenu des possibilités techniques de modifier ces métadonnées numériques, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que la date de ces photographies ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes. »

 

Elle en déduit, par suite, que c’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours.

 

 

  1. 3e civ., 20 mars 2025, n°23-11.527, Bull. : La commune et l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d’urbanisme (PLU) ont la faculté de saisir le juge des référés, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, pour faire cesser le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent

 

L’article L. 480-14 du code de l’urbanisme autorise les communes et les établissements de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de planification urbaine à saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’une construction irrégulière au regard des règles d’urbanisme applicables.

 

Dans la décision commentée, publiée au Bulletin, la Cour de cassation affirme toutefois que cette faculté ne les prive pas de saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile :

 

« L’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, qui autorise la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme à saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le livre IV de ce code, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du même code, en violation de l’article L. 421-8, n’a ni pour objet ni pour effet de priver ces autorités de la faculté de saisir le juge des référés, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, pour faire cesser le trouble manifestement illicite ou le dommage imminent résultant de la violation d’une règle d’urbanisme et prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. »

 

 

 

  1. CE, 20 mars 2025, Ministre de la transition écologique c/ Commune de Soulac, n°487711, Leb. : les « secteurs urbanisés », au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (Loi littoral), peuvent être identifiés par un SCoT, y compris lorsque celui-ci a été adopté avant l’entrée en vigueur de la loi ELAN du 23 novembre 2018 qui a introduit cette notion

 

Pour mémoire, antérieurement à la loi « ELAN » du 23 novembre 2023, dans les communes littorales, l’extension de l’urbanisation devait être réalisée « soit en continuité avec les agglomérations et villages existants soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

 

L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme autorise désormais, sous certaines conditions, des constructions et installations « dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme».

 

Comme le souligne Florian ROUSSEL, rapporteur public dans l’affaire commentée, l’une des questions posées au Conseil d’Etat était la suivante : « peut-on admettre qu’un SCOT anticipe des dispositions législatives [en l’occurrence, celles du nouvel article L. 121-8] en identifiant comme constructibles des zones qui ne pourraient l’être en l’état du droit à la date à laquelle il a été adopté ? ».

 

Le Conseil d’Etat répond à l’affirmative en jugeant que des « secteurs urbanisés » au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme peuvent être identifiés par un SCoT, y compris lorsque celui-ci a été adopté antérieurement à la loi ELAN du 23 novembre 2018.

 

 

 

  1. CE, 25 mars 2025, de la transition écologique et de la cohésion des territoires, n°474489 : Précisions sur l’appréciation du risque inondation par l’autorité administrative dans le cadre de son contrôle effectué en application du II de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement

 

Le Conseil d’Etat a précédemment jugé que l’autorité administrative compétente doit s’opposer aux installations, ouvrages, travaux et activités déclarés au titre du II de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement lorsqu’ils sont incompatibles avec les dispositions du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ou du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), ou lorsqu’ils sont susceptibles de porter aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du même Code une atteinte telle qu’aucune prescription ne permettrait d’y remédier (CE, 20 janvier 2014, M.A…B., n°373220, Tab. Leb.).

 

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’exercice de ce contrôle et, en particulier, sur la prise en compte du risque lié à la présence d’un ouvrage de protection :

 

« 3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que, dans le cadre du pouvoir qu’il exerce en application du II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le préfet apprécie si le projet ne présente pas d’incompatibilité avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, et s’assure qu’il ne porte pas aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du même code une atteinte d’une gravité telle qu’aucune prescription ne permettrait d’y remédier. A ce titre, pour apprécier les risques d’inondation pesant sur le terrain situé derrière un ouvrage de protection, comme dans le présent litige, doit être pris en compte non seulement la protection qu’un tel ouvrage est susceptible d’apporter mais aussi le risque spécifique qu’un tel ouvrage est susceptible de créer en cas de sinistre d’une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance d’un tel accident n’est pas dénuée de toute probabilité. En ne prenant pas en considération ce risque spécifique tenant, la présence de l’ouvrage de protection, la cour a commis une erreur de droit.

 

  1. En second lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour retenir que les travaux projetés n’apparaissaient pas, à raison du seul fait de leur localisation, comme portant atteinte aux intérêts mentionnées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, la cour s’est fondée sur ce que la crue de référence de l’Agly en 2013 était de nature  » centennale « . Toutefois, les pièces du dossier soumis aux juges du fond faisaient état de ce que cette crue de 2013 était d’occurrence comprise entre vingt et cinquante ans et que son débit maximal avait alors été estimé à un niveau inférieur de plus de 50 % au débit d’un évènement centennal. Il s’ensuit que la cour a entaché son arrêt d’une dénaturation des pièces du dossier. »