Veille juridique du 10 mars 2025
Pour mémoire, l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme dispose que :
« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 [de trois ans] est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable. »
Ainsi, en cas de recours contentieux contre le permis de construire, le délai de péremption recommence à courir à la date à laquelle la décision juridictionnelle est irrévocable, c’est-à-dire, comme le souligne Clément MALVERTI, rapporteur public dans cette affaire, à partir du moment où « la décision juridictionnelle n’est plus susceptible de faire l’objet d’une voie de réformation, qu’il s’agisse d’un appel ou d’un pourvoi en cassation ».
En vertu de l’article R. 741-2 du Code de justice administrative (CJA), toute décision du Juge administratif doit – entre autres – mentionner :
Le Conseil d’État rappelle qu’un jugement qui n’indique pas ces mentions ne fait « pas la preuve que la procédure à l’issue de laquelle il a été prononcé a été régulière » et doit, en conséquence, être annulé.
Dans cette affaire, un Tribunal administratif, statuant en premier et dernier ressort, avait prononcé une annulation partielle du permis de construire litigieux sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme.
Ce jugement a fait l’objet d’un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Par suite, l’autorité compétente a délivré un permis de construire modificatif ayant pour objet de régulariser le vice affectant le permis de construire initial, identifié par le Tribunal.
La question posée au Conseil d’Etat était la suivante : lorsqu’un Tribunal administratif, statuant en premier et dernier ressort, a partiellement annulé un permis de construire en fixant un délai pour sa régularisation et que son jugement fait l’objet d’un pourvoi en cassation, le Tribunal doit-il transmettre au Conseil d’Etat le recours formé contre le permis modificatif ?
Non, selon le Conseil d’État dès lors qu’« il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme (…) que le juge de cassation, saisi d’un pourvoi dirigé contre un arrêt ou un jugement relatif au permis de construire initialement délivré, soit compétent pour statuer en premier et dernier ressort sur la légalité d’un permis modificatif, d’une décision modificative ou d’une mesure de régularisation communiqués aux parties ».
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement (dans sa rédaction résultant de la loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte).
Pour mémoire, lorsque la réalisation d’un projet porte atteinte à des espèces protégées, le porteur de projet doit obtenir une dérogation spéciale, laquelle ne peut être accordée que si trois conditions cumulatives, fixées à l’article L 411-2 du Code de l’environnement, sont caractérisées :
Les dispositions soumises au contrôle de constitutionnalité – consacrées à l’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement – prévoient toutefois que le décret qualifiant un projet industriel de projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale (prévu à l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme) peut également lui reconnaitre « le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeure » (RIIPM).
Dans ce cas, la première condition exigée pour obtenir la dérogation susvisée est donc, dès le stade de l’édiction du décret, caractérisée.
Dès lors, la reconnaissance de la RIIPM ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours direct contre le décret et non à l’appui d’un recours dirigé contre la dérogation d’espèces protégées ultérieurement accordée.
Tout d’abord, le Conseil constitutionnel a considéré que ces règles ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif aux motifs suivants :
Ensuite, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions ne portent pas atteinte aux articles 1er, 2 et 7 de la Charte de l’environnement dès lors que l’autorité administrative est tenue de vérifier si les autres conditions fixées à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement pour obtenir une dérogation d’espèces protégées sont, en l’espèce, caractérisées.
Dans cette affaire, la Société Energie des trois sentiers a déposé une demande d’autorisation environnementale pour la construction et l’exploitation d’un parc éolien, située en zone agricole (zone A) et zone agricole faiblement constructible (zone AP) du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) applicable.
La préfète compétente a refusé de lui délivrer cette autorisation environnementale au motif, notamment, que le projet n’était pas compatible avec les règles d’urbanisme en vigueur sur les communes d’implantation.
Dans un premier temps, la Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle qu’aux termes des dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme, dans leur rédaction applicable au PLUi applicable, la sous-destination « locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés » figure parmi celles relevant de la destination « équipements d’intérêt collectif et services publics ».
La Cour rappelle également que l’article 4 de l’arrêté du 10 novembre 2016 pris pour l’application de ces dispositions (JORF n°0274 du 25 novembre 2016) dispose que :
« La sous-destination « locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés » recouvre les constructions des équipements collectifs de nature technique ou industrielle. Cette sous-destination comprend notamment les constructions techniques nécessaires au fonctionnement des services publics, les constructions techniques conçues spécialement pour le fonctionnement de réseaux ou de services urbains, les constructions industrielles concourant à la production d’énergie. »
La Cour déduit de ces dispositions, et c’est là tout l’apport de cette décision, que « les installations de production d’électricité relèvent, en tant que « locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés », de la catégorie des « Equipements d’intérêt collectif et services publics » du plan local d’urbanisme »’.
Appliquant ce principe au cas d’espèce, elle juge que la préfète compétente ne pouvait refuser le projet au motif que les éoliennes ne constitueraient pas des « locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilées », lesquels sont autorisés (sous conditions) dans les zones A et AP dans lesquelles est situé le projet.
En conséquence, la cour annule la décision de la préfète refusant l’autorisation d’exploitation du parc éolien et enjoint à cette dernière de réexaminer la demande de la Société et de prendre une nouvelle décision dans un délai de quatre mois.